La théologie de la
libération
Un paradigme universel de
civilisation ?
Du particulier à l’universel : de l’Amérique latine au
onde
Sans rien renier : la fidélité à l’option préférentielle pour les pauvres.
La théologie
de la libération peut-elle
être considérée uniquement
comme une réflexion
et une pratique
contextuelles, latino-américaines
et post-conciliaires
? Ou peut-elle
encore
non seulement
inspirer
d'autres
théologiens
des pays
du Sud mais
aussi rénover
la réflexion
théologique dans
les pays
du Nord, les
uns et les
autres étant
soit victimes
soit responsables
d'un
libéralisme
économique
mondialisé
? Plus particulièrement
au moment
où, dans
l'Église
catholique, on ressent
le besoin
de rappeler
l'option
préférentielle
pour les
pauvres,
prônée
par Vatican II ?
Alors
que le non respect
des droits
humains et
la misère matérielle
poussent
des foules de personnes
à manifester
contre les injustices sociales
et l'absence
de démocratie, la
théologie
de la
libération ne pourrait-elle
pas, comme
l'Évangile lui-même,
mais
sous des
formes nouvelles,
être proposée
à toutes
les femmes
et tous
les hommes
qui aspirent
à la justice
et à la
paix, au-delà
de leurs
religions ou croyances?
La théologie
de la
libération
est née dans
le contexte
du libéralisme
économique
latino-américain.
Elle est l'expression
intellectuelle
et spirituelle
d'un mouvement
social
né dans
les années
soixante.
Pendant des siècles,
les institutions
ecclésiales
s'occupaient
des pauvres sans analyser
les causes
de la
pauvreté.
Désormais,
les pauvres ne sont plus
des objets
de compassion ou de «
charité
». L'Église
est solidaire de la lutte
des opprimés
pour leur libération
et participe
à leurs
combats, mais
se
sont les
pauvres qui sont acteurs
de leur émancipation.
Les chrétiens
apportent leurs
compétences,
leurs
connaissances,
leurs
moyens
de' réflexion
et de formation
à un mouvement
d'auto-émancipation
sociale
et d'auto-organisation.
À travers
des pastorales
populaires
(pastorale
de la terre,
pastorale
des Indiens
... ), par
des commissions
Justice
et paix,
dans
le cadre
de communautés
ecclésiales
de base.
Avec la
mondialisation
idéologique
(disparition
du socialisme
marxiste
et extension
du libéralisme
économique
à tous
les États),
l'analyse politique
et théologique
du système
économique
impérialiste
d'Amérique du Sud
est désormais
valable pour les autres
continents
(anciens
pays communistes,
pays non-alignés
... ).
Pour les
chrétiens, l'ultralibéralisme
(ou néolibéralisme)
est intrinsèquement
pervers.
Car il considère
comme un nouveau
dieu (païen)
- une idole
selon la
Bible - la loi du marché
qui prime
dans
l'économie
et qui est imposée
par la
recherche
du profit
avant toute
considération
sur la complexité
de la société
et les injustices
sociales que
cette pratique
induit. Autre
critique:
la dette
extérieure
imposée par
les pays du Nord aux
pays du Sud.
Les hommes
ne sont pas au centre du système
économique
et les plus
pauvres
en sont les
premières
victimes.
Dans
le mouvement
de libération
des pauvres,
l’action est
première.
En Amérique
latine,
les militants
chrétiens
privilégiaient
rengagement syndical,
la revendication
des droits humains
et la lutte contre
les dictatures. C'est
dans des pratiques
de libération
concrètes et historiques
que Dieu s'offre
à la rencontre
avec les hommes
- qu'il
se révèle
à eux.
Le peuple
est son propre interprète de la Bible
car il vit des situations
analogues à celles
que vécurent les Hébreux en leur
temps. Il prend
conscience
d'être peuple
de Dieu, un
peuple en chemin - en exode - vers une terre meilleure.
C'est en
son sein que naissent
pasteurs
et théologiens,
formés par l'expérience
et l'exercice
des responsabilités
pour le service des
communautés.
Cette
théologie
n'est pas
un système
figé. Elle
ne détient
pas la vérité.
Elle n'est
ni thomiste
ni hellénique.
Elle est un cheminement
jamais achevé. Elle
est fidèle à
la vie et la parole
de Dieu qui s'annonce
toujours
vivante.
Concrètement,
aujourd'hui,
que pouvons-nous
retenir de la théologie
de la libération
en vue d'une
action efficace à la base et
proposable
à tous les chrétiens?
Il convient
toujours de partir d'une
analyse
de la réalité. D'adopter
une attitude
critique devant toute structure
qui empêche la
valorisation des expressions
authentiques
du peuple. De développer
des instruments d'observation
et d'analyse
de telle sorte que le peuple
lui-même
soit capable d'identifier
les vraies
causes des injustices
et les possibilités
de sortir de cette situation.
Politiquement,
que l'Église
participe à la
lutte de
libération
du peuple, en
collaborant pour
que celui-ci
découvre
lui-même
les causes de
l'oppression
dans laquelle il vit.
Que l'Église
dénonce
toute forme d'injustice,
aussi bien
au niveau de
l'individu
que du système.
En proposant une société
différente,
sans privilèges,
dans laquelle les moyens
de production ne sont plus
concentrés
entre les mains
d'une minorité. Que
l'Église
favorise la fraternité
et la communion
entre les
peuples. Ce processus
de libération
doit commencer
à l'intérieur
de l'organisation
ecclésiale
pour
que sa parole
libératrice soit authentique.
Il est impératif
que le
peuple de Dieu s'organise
en communautés
autonomes de foi et de vie
qui ont
le souci les
unes des
autres et qui vivent
en communion avec
leur évêque.
Que soit mis
en valeur le
sacerdoce commun des
baptisés de
telle sorte
que les communautés
puissent
célébrer
les expressions
sacramentelles de
la foi. La présence de
l'Église
dans
le monde conduit à une ouverture
de la communauté ecclésiale
à la collaboration
avec d'autres
hommes et groupes
en vue
de la
construction
d'un monde
plus fraternel
et plus
juste.
Comment
se positionner
face à la
culture populaire
? La religiosité
et la culture populaire
doivent
être respectées
car elles contiennent
assurément
des valeurs
de protestation
et de dénonciation
contre les cultures
de la bourgeoisie
et de la hiérarchie
catholique.
Elles doivent
néanmoins
être soumises
à une critique
dans
la lumière
de l'Évangile.
Par ailleurs,
le peuple
doit rester
libre dans
la recherche
de nouvelles
formes d'expression
et de prière.
Pour les chrétiens,
Dieu s'est fait homme.
C'est-à-dire
que l'humain
est assez riche
pour nous
dire quelque
chose de
Dieu. Que
l'humain
est infiniment
respectable
puisque
Dieu a
voulu l’assumer.
Mais Jésus
a témoigné
d’une certaine
manière
d’être
humain.
C’est
à nous de
trouver cet
humanisme véritable
qui est aussi un christianisme
authentique. Grâce, par
exemple, à
l’Évangile
et à la Déclaration
universelle
des droits
de l’homme.
En tendant
à l’universalité,
la théologie
de la libération
intègre les nouveaux
défis du
multiculturalisme.
Il est
souhaitable
qu’elle devienne
un nouveau
paradigme
de civilisation
fondé sur une
éthique de la
vie et une
solidarité planétaire.
À travers
une fraternité
de combat.
Contre
toutes
les discriminations
(minorités, femmes
… ) et
les injustices,
pour la paix, l’écologie,
pour le pluralisme
religieux
et la laïcité,
dans le dialogue
interconfessionnel…
La lutte pour
subvertir
les systèmes
qui écrasent des
hommes déborde
les clivages
culturels,
sociaux ou
religieux.
Elle doit mobiliser
toutes les bonnes
volontés. Par son choix
radical de participer
aux combats
des pauvres,
la théologie
de la libération
y a toute sa place. Et
avec elle
tous les chrétiens.
Du particulier
à l’universel :
de l’Amérique
latine au monde.
Sans rien
renier :
la fidélité à l’option
préférentielle
pour les
pauvres.
Jean-Paul Blatz Parvis septembre 2013