Table des matières Témoignage les Jubilés
Causerie après le repas de
la Journée paroissiale, le 24 juin 01
Enregistrement et
transcription faits par un paroissien
Je n’ai pas de texte écrit, mais seulement un schéma. Alors ceux qui sont ici, vous écoutez bien et vous le répéterez à ceux qui sont absents.
Le premier point que je voudrais souligner c’est
d’abord cette idée que chacun de nous – comme je l’ai dit ce matin à la messe –
a une place importante à assurer dans la vie de la communauté ou dans le
Royaume de Dieu : J’ai été choisi et chacun de vous a été choisi.
J’ai dit aussi que ce qui m’a marqué dans ma vie de prêtre à Montesson c’était la célébration de l’Eucharistie où je me trouve là devant vous, pour célébrer la vie de Jésus et je voyais que vous aussi participiez à cette célébration avec beaucoup de sérieux, avec une vie intérieure. Le Père Hubert m’a souvent dit qu’à la messe, les gens prient. Cela me touche profondément ; du fait que les chrétiens prient même si l’animation, les chants, la manière de faire, ne correspondent pas toujours à ce que chacun attend.
La deuxième chose que je veux dire c’est votre
confiance, la confiance que vous témoignez par votre participation à la vie
paroissiale et aussi par les différentes rencontres, simplement dans la vie de
tous les jours.
Ma reconnaissance va d’abord à la Communauté
salésienne dont je suis responsable jusqu’à maintenant. Elle comprend dans un
premier temps, le P. Michel et le P. Georges. Michel est là et vous savez
comment nous nous apprécions ; le p. Georges est déjà dans la maison du
Père. Ensuite l’arrivée du P. Hubert. Dans la Communauté, il y a aussi Cathy.
Chaque personne est importante pour moi. Mes confrères Michel, Georges, Hubert
ce sont des personnes très bien formées, bardées de diplômes universitaires.
J’avais des confères intelligents, instruits, tout ce que vous voulez… Je ne parle pas de leurs caractères… C’est
autre chose ! (rires)
Le témoignage que nous avons pu donner, selon le P.
Touraille : « J’ai toujours apprécié le témoignage de la Charité de
la Communauté salésienne » . C’est que nous nous supportons
bien ! Il faut le dire (Acquiescement du P. Michel)
Ma deuxième reconnaissance va à toutes les personnes
engagées. J’avais appris avec vous ce que l’un de vous a dit : « toute
mission est une grâce ». On n’est pas là par hasard : si on est
au service d’une communauté, c’est qu’on a été appelé et on dit merci à Dieu
pour avoir pu répondre oui. D’autres ne l’ont pas pu. Donc, l’appel est
toujours une grâce et la réponse à une vocation est aussi une grâce.
Les personnes engagées sont toujours dans ma prière.
Tous les matins, je me trouve devant le Saint-Sacrement. Il fut un temps où,
comme chacun d’entre vous, je priais pour les personnes que j’aimais ;
ensuite je me suis dit que cela ne va pas, parce qu’il y a des gens que je ne
connais pas, des gens que je n’ai jamais rencontrés, donc je ne peux pas dire
que je les aime, alors que nous sommes appelés à aimer tous les hommes. Sur le
coup j’ai changé ma prière : je prie pour tous ceux qui se mettent au
service de Dieu.
Il y a certainement des gens que je n’arrive pas à
aimer, je ne sais pas pourquoi, n’empêche que tous ceux qui se mettent au
service de Dieu, que ce soit dans la paroisse, dans la commune, dans la
famille, ont besoin de prières de soutien.
Ma troisième reconnaissance c’est pour les amis. Les
amis sont des gens avec qui j’ai vécu un partage spirituel ou matériel. En
fait, j’aurais pu dire à chacun ici présent sur quel point précis nous sommes
devenus amis, je ne veux pas citer de nom par discrétion, mais en vous
regardant, j’aurais aimé dire à chacun d’entre vous - même aux personnes qui viennent d’arriver à la paroisse,
aux personnes qui sont là à cause des
autres – à chacun j’aurais aimé dire quelque chose de très personnel. J’ai beaucoup
parlé avec vous, j’ai beaucoup prié avec vous et pour vous dans les moments
d’épreuve et vos épreuves m’ont beaucoup aidé dans ma vocation. Donc je
dis merci à tous ceux que je considère comme amis et à tous ceux qui se
considèrent comme amis à moi et que je connais ou que je ne connais pas. Je dis
merci en particulier à tous ceux qui me portent une affection – je ne parle pas
de respect parce que tout le monde respecte le Curé même s’il ne le supporte
pas – mais l’affection est quelque chose de particulier. C’était comme entre
Pierre et Jésus. Pierre n’était pas uniquement disciple de Jésus, il était son
copain. C’est en raison de cela que Jésus lui demandait « Pierre
m’aimes-tu plus que ceux-ci ? ». Il y a peut-être de l’ambiguïté dans
l’affection. C’est bien ? Ce n’est pas bien ? N’empêche que tous ceux
qui sont attachés à moi, je les attache à Dieu. Ah oui !
Je remercie tous ceux qui témoignent de leur foi.
Leur foi se voit dans leur manière d’assumer une tâche familiale, sociale ou
une mission dans l’Eglise. Leur témoignage soutient la vie de la communauté
paroissiale et la vie salésienne. Je parle aussi au nom de Cathy et de mes
confrères.
Je remercie pour l’esprit salésien qui vous
habite : c’est la pédagogie de Don Bosco, fondée sur l’affection, la raison et la religion. Le mot religion ne
se définit pas pour moi uniquement en terme de catholique, protestant… mais en
terme de « relier – relation ». Il n’y aura pas de pédagogie sans
relations fortes. Quant à la raison : nous sommes des personnes
raisonnables. Nous ne faisons pas des choses n’importe comment. Nous avons
beaucoup discuté, discerné. Quelqu’un a dit que je suis fort en organisation.
Je le remercie de cette réflexion mais je pense que je suis tout de même
raisonnable dans le sens où je n’ai jamais forcé quelqu’un à se sacrifier pour
la paroisse, pas non plus à sacrifier sa famille, à quitter un engagement déjà
pris dans la commune ou dans une école pour s’engager dans la paroisse. J’ai
toujours dit à chacun « engagez-vous là où vous vous sentez bien, pour
votre bien » . Voilà l’esprit salésien, l’esprit de famille.
Je remercie pour la formation permanente que j’ai
reçue de la communauté. J’ai rencontré beaucoup de personnes qui viennent me
parler de leurs problèmes, de leurs recherches spirituelles. Les rencontres
nous forment comme une école, comme la
vie. Si vous cherchez à vous former,
participez à des réunions. « Quand deux ou trois se réunissent, je suis
au milieu d’eux », dit Jésus.
C’est lui qui nous forme. Donc merci pour les réunions auxquelles j’ai pu
participer ; de même, pour les soirées bibliques qui m’inspirent dans mes
homélies, évidemment à ma manière.
Je vais parler de moi. Vous vous dites « comment
a-t-il pu parler de cette manière de la théologie ? » Je vous rappelle
que je suis né au Vietnam et que chez moi, c’est toujours le culte des ancêtres
qui nous dit l’importance de la vie reçue.
J’ai une grande reconnaissance pour mes parents, à ceux qui m’ont
transmis la vie. A mon ordination, lorsque j’étais couché par terre, je ne
priais pas Dieu, mais je pensais à mes parents. Je me suis dit « si je
suis arrivé jusqu’au bout , c’est grâce à eux, de près ou de loin » sachant que j’ai quitté mes parents quand
j’avais 9 ans et que je ne les ai pas
revus depuis 1954. Je sais que sur cette terre ou au ciel mes parents m’ont
toujours accompagné et ma fidélité est aussi celle de mes parents. A chaque
baptême, à chaque mariage, j’ai demandé aux grands parents de donner la
lumière : la lumière de la vie qui vient de Dieu, et dont nous sommes
responsables et reconnaissants à la fois.
J’ai aussi le sens, par ma culture et ma vocation,
de l’accueil et l’hospitalité, sachant que l’hospitalité est une vertu biblique,
et que le culte des ancêtres n’est pas étranger au message biblique : « Honore
ton père et ta mère… » le seul commandement ayant une promesse « …
afin que ta vie dure sur cette terre que le Seigneur, ton Dieu t’a
donnée ».
Cette manière de voir la vie n’est pas très
orthodoxe, disons plutôt pas « catholique », puisque j’ai dit
souvent « l’on ne peut croire
en Dieu si l’on ne croit pas à la vie. » de même « on ne peut aimer Dieu sans aimer les gens avec
qui on partage la vie ».
Vous avez remarqué aussi des paradoxes dans mes
dires. Je suis salésien avec un esprit familial, mais j’ai fait des études
supérieures chez les jésuites. Ce qui fait que ma manière de raisonner est un
peu « jésuite ». Je suis vietnamien, donc intuitif – je sens un tas de
choses - mais j’ai été formé en France
à l’esprit cartésien.
De la famille, j’ai bénéficié de la transmission
culturelle. Des Salésiens, l’importance de l’expérience pratique. Don Bosco
n’était pas un théoricien, mais un praticien. Je n’étais pas curé de formation,
je le suis devenu et toutes ces années à Montesson, ce n’est pas trop long, je
pourrais rester encore 20 ans : j’aurais toujours des choses à apprendre
de vous. C’est l’école de la vie et c’est formidable ! (1)
La tradition familiale et la pédagogie salésienne
modulent ma pratique pastorale. Je porte sur moi la Croix des Salésiens :
d’un côté le « Bon Pasteur » et de l’autre, un parole de Don Bosco
« Essaie de te faire aimer ». Tu ne peux rien faire - dans l’éducation de jeunes – si tu n’es
pas aimé. J’essaie au moins d’être supportable !
La théologie qui m’a guidé c’est la théologie de la
Libération. Je l’ai appris à Bruxelles avec les théologiens de l’Amérique
latine. Dieu nous crée en nous libérant. Je crois que cela est très important.
Dans les rapports que nous, les prêtres, avons avec vous, nous rencontrons des
personnes très marquées par l’éducation catholique, romaine, vaticane. Une
éducation qui date peut-être et qui vous a bloqués par moment. Nous avons à
nous libérer mutuellement de ces blocages. Dans le chant de la messe de ce
matin, il y a une phrase : « Tu nous as libérés des Docteurs de la
Loi …» . Ne nous laissons pas enfermés dans les définitions et dans
les structures. L’éducation consiste à aider l’enfant à se libérer, comme pour nous les adultes , nous
avons toujours une part d’animalité en nous, ou d’instinct si on veut. La
théologie de la Libération nous dit que nous ne sommes pas définis, ni par
notre destin, ni par notre culture, ni par notre naissance. Nous sommes des êtres
créés à l’image de Dieu. Nous sommes appelés à nous créer chacun, et pour nous
créer, il faut nous appuyer les uns sur les autres.
L’analyse
structurale et l’interprétation psychanalytique de la Bible m’ont beaucoup
influencé. J’aime des auteurs comme Mary Balmary… C’est ma
manière de lire la Bible.
Ma découverte, depuis que je suis prêtre et surtout
dans les années passées avec vous, c’est le Dieu de la vie : « Au
commencement était la vie… » dit saint Jean et « la vie était la
lumière des hommes ». Le rite de la transmission de la lumière
accompli par les grand-parents au baptême, au mariage et même aux obsèques reflète bien ma pensée.
J’ai découvert aussi que la religion est une production
de la culture. Jésus n’a pas fondé une religion. C’est nous qui avons façonné
notre religion. Il ne faut donc pas « absolutiser » tout ce qui est
de la religion. Il ne faut pas vous étonner que la messe ait changé dans ses
rites. Jésus n’a jamais codifié la messe. C’est nous qui cherchons à faire pour
le mieux. Je ne critique pas ceux qui veulent la messe en latin. Je suis diplômé de chant grégorien. Ce n’est pas
pour autant que je dis qu’ il faille chanter en grégorien toutes les messes.
Nous avons à adapter notre religion, si possible, à une culture. Existe-t-il
aujourd’hui une culture ? C’est à vous de me répondre. Existe-t-il
aujourd’hui une vraie culture humaine ? Si la culture n’existe pas, on ne
peut rêver d’une bonne religion. Soignez votre culture pour avoir une religion
qui répond à votre attente. Ce n’est pas pour rien que j’ai dit : une des
dimensions de l’Association paroissiale est la dimension culturelle. Les
relations de voisinage sont très importantes et je remercie les chrétiens ici
présents d’avoir en quelque sorte ramené des gens qui ne fréquentent pas
l’Eglise. Je remercie aussi des jeunes, des fiancés, des mariés qui ont amené à
la paroisse d’autres fiancés, d’autres couples…
La foi se communique dans une rencontre vraie et
pour qu’une rencontre soit vraie, il faut qu’elle soit simple. Simplifions
notre vie. Ayons des rencontres vraies
On peut parler de Jésus à tout le monde, musulmans,
bouddhistes … non pas d’abord comme Fils de Dieu, Messie, Sauveur… mais comme
celui qui a donné sa vie au service des autres. Cherchons-nous d’abord à sonder
le mystère de Dieu Trinitaire… ou cherchons-nous à nous mettre au service les
uns des autres ? Jésus a vraiment
ce visage qu’on peut présenter à n’importe qui.
Mais le service – je l’ai dit lors de la messe du
jeudi-Saint peut nous rendre parfois orgueilleux ou insatisfaits. Le terme
« service » évoque pour nous l’idée d’utilité, de compétence, de
réussite … D’où l’ambiguïté dans notre désir de nous rendre utiles. Cherchons
moins à être utiles que de rendre gloire à Dieu. L’utilité est mesurable. La
gloire de Dieu nous dépasse. Chacun est important pour Dieu, même handicapé.
Catherine, écoute bien ce que je dis ! (Catherine est non-voyante) Tu es
aussi importante pour Dieu.
J’ai appris que l’Espérance nous rend humble. Quand
on m’a dit « tu risques de partir d’ici », je me suis dit
« où pourrais-je aller ? que pourrais-je faire ? »
C’est difficile ! Je me suis dit « mon vieux, si tu
commences à mesurer tes qualités et tes compétences tu risques d’avoir des
déceptions. » Je vais donc me baser sur l’ Espérance, et je me remets
dans la main de Dieu .
Depuis mon ordination, j’ai vécu suivant une…
formule « Rendre la foi plus humaine, afin que l’humain ne perde pas
son humanité » . Je me suis rendu compte qu’à force de vouloir Etre
des anges, nous ne sommes pas des hommes. Alors, cherchons seulement à être des
hommes. Mais l’homme n’est humain que dans la mesure où il devient
« spirituel », c’est-à-dire « inspiré » par le Souffle de l’Esprit. Ce que j’ai dit
à la Profession de Foi : « Nous sommes créés à l’image de Dieu Père
Créateur, Dieu Fils Libérateur, Dieu l’Esprit Animateur.
Jean-Baptiste se nourrit de miel et des sauterelles
(Matthieu 3,4). Saint François de sales
dit que le miel est la douceur et les sauterelles signifient le dynamisme. Si
vous êtes dynamiques et doux, vous aurez tout.
Et c’est là mon testament
Jean-Baptiste
Le 24 mai 1963 il sent que ses forces lui
manquent…Il se dresse dans son lit et fait cette déclaration, qui est l’un des
plus beaux textes que nous possédons du Pape Jean. Son testament spirituel.
« Maintenant plus que jamais,
certainement davantage que dans les siècles passés, nous sommes appelés à servir
l’homme en tant qu’homme, et pas seulement les catholiques. A défendre
par-dessus tout et partout les droits de la personne humaine, et pas seulement
ceux de l’Eglise catholique. Le monde aujourd’hui, les besoins apparus au grand
jour ces cinquante dernières années et une compréhension plus approfondie de la
doctrine nous ont conduits à une situation nouvelle, comme je l’ai dit dans mon
discours d’ouverture du Concile. Ce n’est pas que l’Evangile ait
changé : c’est que nous avons commencé à le mieux comprendre. Ceux qui
ont vécu aussi longtemps que moi se sont trouvés affrontés à des tâches
nouvelles dans l’ordre social, au début de ce siècle. Ceux qui, comme moi, ont
passé 20 ans en Orient et huit ans en France sont à même de comparer différentes
cultures et traditions et savent que le moment est venu de discerner les signes
des temps, de saisir l’occasion et de regarder au loin »
Testament de Jésus
Au cours du dernier repas
que Jésus prenait
avec ses disciples, quand
Judas fut sorti,
Jésus déclara:
« Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui.
Si Dieu est glorifié en lui,
Dieu en retour lui donnera
sa propre gloire; et il la lui donnera bientôt.
« Mes petits enfants,
je suis encore avec vous, mais pour peu de temps.
Je vous donne un
commandement nouveau:
c’est de vous aimer les uns
les autres. Comme je vous ai aimés,
vous aussi, aimez-vous les
uns les autres.
Ce qui montrera à tous les
hommes que vous êtes
mes disciples, c’est l’amour
que vous aurez les uns pour les autres. »
Jean 13,31-35)