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Messe
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Centre national de Liturgie
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Prions en
Eglise
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Eucharistie
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La participation à la liturgie n’est pas toute la vie spirituelle,
elle ne remplit pas toute l’activité de l’Eglise ; c’est ainsi qu’elle est
précédée par la proclamation du salut, mais la liturgie est le sommet auquel
tend l’Eglise et la source d’où découle toute sa vertu.
Célébration de l’Eglise, sa pleine efficacité exige des fidèles des
dispositions intérieures et une participation active. Source d’union avec le
Christ dans l’Eglise, elle contribue à la formation intérieure de
l’homme ; elle est facteur de l’unité, de charité ; lieu de grâce.
La liturgie sanctifie presque tous les événements de la vie des
chrétiens et les aide à manifester aux autres le mystère du Christ et la nature
de l’Eglise.
Patrick
Prétot
« L'Église vit de
l'Eucharistie », encyclique Ecclesia de Eucharistia vivit, de
Jean-Paul II
Esprit & Vie n°84 / juin 2003 - 2e quinzaine, p. 3-5.
Le fr. Patrick Prétot, bénédictin de l'abbaye
de
L'encyclique sur l'eucharistie, publiée par le pape
Jean-Paul II, à l'occasion de ce Jeudi saint 2003, commence par ces mots
significatifs : « L'Église vit de l'eucharistie » (Ecclesia
de Eucharistia vivit). Sans proposer un exposé complet de théologie de
l'eucharistie, le pape offre une méditation très personnelle, parfois même sur
le ton de l'entretien spirituel intime, sur les rapports entre le mystère de
l'eucharistie et la vie de l'Église. Il s'agit de dire pourquoi et comment
« L'Église vit de l'eucharistie ». La réponse est exprimée, sous
forme synthétique, dès le n° 3 : c'est parce que « l'Église naît
du mystère pascal », que l'eucharistie a sa place au centre de la vie
ecclésiale. L'encyclique apparaît donc comme la réception, par le
magistère, de la redécouverte contemporaine de la dimension ecclésiale de
l'eucharistie. C'est, en particulier, la réflexion du P. DE LUBAC - exprimée
déjà dans Corpus Mysticum (1944) et surtout dans Méditations sur
l'Église (1953), et synthétisée par
l'adage : l'eucharistie fait l'Église - qui trouve ainsi une
sorte de consécration.
Il s'agit d'un acte magistériel, qui peut donc
se réclamer de l'exemple de Paul s'adressant à Timothée : « Je
t'adjure […] proclame
Parce que l'eucharistie est ce que
« l'Église peut avoir de plus précieux dans sa marche au long de
l'histoire », le pape Jean-Paul II exprime à son tour l'attention
empressée que le magistère a « toujours réservée au mystère
eucharistique » (n° 9). L'encyclique rappelle, par conséquent, un
certain nombre de principes en vue de garantir la vérité de la doctrine et de
la pratique, mais aussi la qualité des célébrations liturgiques.
Sur le plan théorique, le premier chapitre,
intitulé « Mystère de la foi », reprend l'enseignement classique de
la théologie catholique, avec les catégories du concile de Trente :
« sacrifice », « présence réelle » et
« communion ». Le sacrifice - entendu comme « re-présentation
sacramentelle » de
La « présence réelle », quant à elle,
est mise heureusement en relation avec la résurrection parce que « c'est
en tant que vivant et ressuscité que le Christ peut, dans l'eucharistie, se
faire « pain de la vie » (Jn 6, 35. 48), « pain vivant »
(Jn 6, 51) » (n° 14). Enfin, la « communion » est
présentée, avant tout, comme participation au banquet qui est le don de l'Esprit
(n° 17), gage de la résurrection (n° 18), et anticipation
eschatologique de la vie éternelle (n° 19).
Rappels
pratiques
Sur le plan pratique, les rappels concernent
surtout deux points. D'une part, le texte réaffirme le lien fondamental entre
pénitence et eucharistie (n° 37), en le fondant sur le fait que « la
communion invisible, tout en étant par nature toujours en croissance, suppose
la vie de la grâce, […] et la pratique des vertus […] » (n° 36). Il
convient cependant de souligner que le texte précise que « évidemment, le
jugement sur l'état de grâce appartient au seul intéressé, puisqu'il s'agit
d'un jugement de conscience » (n° 37).
D'autre part, pour ce qui concerne la qualité
des célébrations, outre un rappel de la nécessaire fidélité aux prescriptions
liturgiques présentée, loin de tout rubricisme, comme « l'expression
concrète du caractère ecclésial authentique de l'eucharistie »
(n° 52), il faut relever un développement original sur l'importance de
l'art sacré (nos 49-51). Le Saint-Père souligne qu'en se laissant porter par le
mystère eucharistique, la foi de l'Église s'est exprimée « non seulement
par la requête d'une attitude intérieure de dévotion », mais aussi
« par une série d'expressions extérieures, destinées à évoquer et à
souligner la grandeur de l'événement célébré » (n° 49). Le patrimoine
artistique lié à l'eucharistie touche, en effet, tous les domaines de la
création - architecture, sculpture, peinture, musique - au point que
l'eucharistie « a aussi influencé fortement la "culture",
spécialement dans le domaine esthétique » (n° 49).
La
recherche théologique
C'est dans le prolongement de ces repères
théologiques et pastoraux, et à travers eux, que l'encyclique Ecclesia de
Eucharistia oriente la recherche théologique en donnant des indications sur
un certain nombre de points difficiles.
Le n° 15 encourage les théologiens dans
leur effort de compréhension du mystère eucharistique, en notant qu'ils sont
« d'autant plus utiles et pénétrants » qu'ils permettent « de
conjuguer l'exercice critique de la pensée avec "la foi vécue" de
l'Église ». À ce propos, le pape rappelle la limite de la recherche, celle
même qui était déjà indiquée par Paul VI : « maintenir que, dans la
réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé
d'exister après la consécration, en sorte que c'est le corps et le sang
adorables du Seigneur Jésus qui, dès lors, sont réellement présents devant nous
sous les espèces sacramentelles du pain et du vin [2] ».
L'adoration
du Saint-Sacrement
C'est avec cet éclairage qu'il faut comprendre,
par exemple, l'insistance, au n° 25, du lien entre célébration de
l'eucharistie et culte rendu à l'eucharistie en dehors de la messe. Le
renouveau actuel de l'adoration du Saint-Sacrement, une pratique héritée de la
piété médiévale, peut être considéré comme un signe des temps et l'un des
aspects de « foi vécue » au sein du Peuple de Dieu, que les
théologiens ont à faire dialoguer avec les acquis récents de la réflexion
théologique. La recherche théologique s'approfondit à l'écoute de l'Esprit qui
parle au cœur de l'Église, et par une réflexion, sans cesse renouvelée, sur la
tradition doctrinale et sur le ressourcement en tradition de la liturgie opéré
par le concile Vatican II. Parallèlement, l'encyclique souligne le caractère
« inachevé » des célébrations dominicales en l'absence de prêtres
(n° 32). L'action eucharistique, célébration de la mort et de la
résurrection du Christ est donc bien le centre de la vie eucharistique à partir
duquel rayonnent aussi bien le culte de l'eucharistie en dehors de la messe que
les célébrations de la parole en l'absence de ministre ordonné.
La
dimension œcuménique
Parce qu'elle porte sur le lien entre Église et
eucharistie, Ecclesia de Eucharistia accorde une attention décisive à la
dimension œcuménique. Il convient d'en souligner l'importance - c'est un aspect
qu'on retrouve tout au long du texte (nos 10, 30, 43, 61) -, et cela même
si la position retenue peut apparaître en retrait par rapport à certaines
attentes. À la question de savoir si la célébration commune de l'eucharistie
peut constituer un chemin vers l'unité des Églises, le pape répond clairement
par la négative (n° 30), mais il le fait au nom même des exigences de la
recherche de la pleine communion. À notre connaissance, jamais un texte
magistériel sur l'eucharistie n'aura intégré à ce point la préoccupation
œcuménique.
Eucharistie
et ministère ordonné
C'est avec la même recherche de cohérence que
le pape aborde la question décisive du rapport entre l'eucharistie et le
ministère ordonné. La notion d'« apostolicité » doit pouvoir
s'appliquer autant au mystère eucharistique qu'à l'Église : c'est pourquoi
le chapitre III reprend la triple signification du terme
« apostolique » proposée par le Catéchisme de l'Église catholique
(CEC n° 857) : fondée sur les apôtres, célébrée conformément à la foi
des apôtres et dirigée par les successeurs des apôtres dans le ministère
ordonné. Le ministère ordonné apparaît alors comme don et comme structure
fondamentale de la célébration eucharistique : « Pour être véritablement
une assemblée eucharistique, l'assemblée qui se réunit pour la célébration de
l'eucharistie a absolument besoin d'un prêtre ordonné qui la préside. D'autre
part, la communauté n'est pas en mesure de se donner à elle-même son ministre
ordonné. Celui-ci est un don qu'elle reçoit à travers la succession épiscopale
qui remonte jusqu'aux apôtres » (n° 29).
La
communion ecclésiale et l'eucharistie
Le n° 39 est, d'une certaine manière, un
sommet, dans la mesure où il tire les conséquences du lien entre communion
ecclésiale et eucharistie. Le texte souligne que l'eucharistie n'est jamais
réductible à la communauté qui célèbre car « en recevant la présence
eucharistique du Seigneur », la communauté « reçoit l'intégralité du
don du salut » et, donc « dans sa particularité visible
permanente », elle « se manifeste aussi comme image et vraie présence
de l'Église une, sainte, catholique et apostolique [3] ».
Contre toute tentation de replis sur le groupe, le Saint-Père insiste sur
l'importance des marques de communion avec l'évêque du lieu et le pontife
romain, car « l'évêque est le principe visible et le fondement de l'unité
dans son Église particulière [4] ». On sait combien ce principe est
important dans un temps où des groupes catholiques, de toutes tendances,
risquent de s'isoler, en promouvant des pratiques si différentes de celles de
l'Église locale qu'elles donnent à voir et à penser que ces groupes ne sont
plus vraiment en communion avec elle.
Marie,
« femme eucharistique »
Le développement final (chapitre VI) invite à
se mettre à l'école de Marie, dénommée la « femme eucharistique »
pour « redécouvrir dans toute sa richesse le rapport intime qui unit
l'Église et l'eucharistie ». Jean-Paul II, dans la lettre Rosarium
Virginis Mariae, a voulu inscrire l'institution de l'eucharistie parmi les
mystères lumineux du Rosaire [5]. C'est parce que la figure de Marie renvoie
toujours au lien entre Dieu et l'humanité, que « Marie est présente, avec
l'Église et comme Mère de l'Église, en chacune de nos Célébrations
eucharistiques » (n° 57). Sur ce point, le pape rejoint, à sa façon,
les redécouvertes théologiques du XXe siècle qui ont valorisé, et la
« bénédiction » (voir la berakhah juive) et « l'action de
grâces » (du grec eucharistein) comme structures fondamentales de
l'eucharistie. En finissant sur la méditation du Magnificat, le pape
montre que la prière de Marie, telle que l'Évangile nous la fait percevoir, est
de forme eucharistique : « Si le Magnificat exprime la
spiritualité de Marie, rien ne nous aide à vivre le mystère eucharistique
autant que cette spiritualité. L'eucharistie nous est donnée pour que notre
vie, comme celle de Marie, soit tout entière un Magnificat ! »
(n° 58).
En définitive, Ecclesia de Eucharistia
occupe une place significative dans l'enseignement récent du magistère. Elle
prend place dans la série des textes publiés à la suite du grand jubilé de l'an
2000. Le Saint-Père y invite les catholiques « à contempler le visage du
Christ, à le contempler avec Marie » : « Contempler le Christ
requiert qu'on sache le reconnaître partout où il se manifeste, dans la
multiplicité de ses modes de présence, mais surtout dans le sacrement vivant de
son corps et de son sang. L'Église vit du Christ eucharistique, par lui
elle est nourrie, par lui elle est illuminée. L'eucharistie est un mystère de
foi, et en même temps un "mystère lumineux [6]" »
(n° 7).
[1] Concile Vatican II, Constitution Lumen
gentium, n° 3.
[2] Paul VI, Profession de foi (30 juin
1968), n° 25 : AAS 60 (1968), p. 442-443 ;
[3] Voir Congrégation pour la doctrine de la foi,
Lettre Communionis notio (28 mai 1992), n° 11 ; AAS 85
(1993), p. 844 ;
[4] Voir Vatican II, Constitution Lumen
gentium, n° 23.
[5] Voir Jean-Paul II, Lettre apostolique
Rosarium Virginis Mariæ (16 octobre 2002), n° 21 ; AAS 95
(2003), p. 20 ;
[6] Ibid.