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Evangile

 

AVEC NOS FRERES ET SŒURS BLESSES DANS LEUR AMOUR *

L’équipe diocésaine de la Pastorale  Familiale

et Mgr Jean-Charles Thomas, Evêque de Versailles

 

L'amour qui fait vivre ensemble l'homme et la femme est source de bonheur et de vie. La Bible présente le couple comme la première institution créée par Dieu.«Et il vit que cela était très bon».

Pour que I'Humanité devienne une civilisation de l'amour. nous devons déployer tous nos efforts afin d'aider les couples à s'épanouir dans la stabilité et à éduquer leurs enfants dans un foyer solidement uni par les engagements du mariage.

 

Le Christ a clairement rappelé le Dessein du Créateur: «Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni». A sa suite, nous, ses disciples, comprenant le ben-fondé du lien d'amour indissoluble, nous nous sentons appelés à:

 

l . Multiplier les moyens de réflexion et de prière pour ceux qui s'orientent vers le mariage. Nous devons les aider pour que le temps de préparation (d'environs six à  huit mois si possible) leur permettant de découvrir

-          la grandeur et les exigences de l'amour fidèle

-          les dimensions de le vie chrétienne dans la foi au Christ. Ce temps doit devenir un «mini-catéchuménat», une redécouverte de la foi.

 

2 . Avec ceux qui sont mariés et connaissent des heures difficiles, proposer et organiser

-          des possibilités d'entretien pour atténuer l'angoisse des époux lorsque leur relation semble «mal tourner»

-          des organismes d'écoute, de soutien et de conseil conjugal

-          des rencontres, retraites, récollections, temps de prière capables de les éclairer sur - ce qui peut affermir leur amour -  sur les tentations de séparation comme solution à toutes les tensions - sur les multiples blessures découlant d'un divorce - sur les propositions de réconciliation pour restaurer entre eux la confiance et l'amour.

-    la prière de toute la communauté chrétienne en faveur des couples en difficulté et leurs enfants.

 

3. Avec ceux qui sont déjà parvenus au stade d'une séparation irréversible ou du divorce, les chrétiens et les prêtres sont invités à mettre en oeuvre les suggestions qui suivent.

( seconde partie, B- pages 17 à 36*  )

 

Les buts que nous poursuivons ainsi sont clairs:

 

-          favoriser l'épanouissement humain et spirituel de ceux qui se préparent au mariage et de tous couples mariés,

-          soutenir dès qu'apparaissent les premiers fléchissements de la relation conjugale,

-          tout mettre en oeuvre pour éviter la multiplication des séparations et des divorces qui affectent, à l'heure actuelle, environ 40 % des couples mariés et leurs enfants, et finalement notre Société et notre Église,

-          en dernier ressort, lorsque le divorce n'a pas pu être évité, rester attentif aux personnes marquées par cette blessure et soutenir leurs efforts pour garder l'espérance chrétienne et croire encore au Dessein d'Amour de notre Dieu.

 

 

 

CONSEILS

A mes frères et sœurs chrétiens du diocèse de Versailles.

 

«Ne jugez pas ! " Nous ne devons pas juger, du moins condamner, parce que nous ne connaissons pas l'histoire des couples, encore moins ce qui habite la conscience des époux. Dieu seul peut juger.

Nous pouvons écouter, prier avec ceux qui nous questionnent, faire un discernement avec eux: jamais nous substituer à leur propre discernement, ni décider à leur place. Et nous sommes invités à ne pas refuser de réfléchir avec ceux qui nous consultent avec confiance.

 

«La poutre dans notre oeil ? "

Le Christ nous invite à regarder nos propres fautes ( Mt, 7 1-5), Mettons son conseil en application: nous verrons alors plus clair dans notre comportement avec les époux remariés après divorce.

Nous avons tendance à les considérer encore comme les seuls «pécheurs publics». N'est-ce pas ainsi qu'on les qualifiait officiellement voici peu ? et même comme excommuniés ? Il nous faut examiner d'autres situations de véritable «péché public». Elles sont probablement la «poutre dans notre oeil».

- Chrétiens, nous sommes divisés. Nous avons clairement désobéi à l'ordre et à la prière du Christ (Jean 17), Nous parlons encore selon un esprit de division, de séparation, de divorce et d'opposition entre Confessions chrétiennes. C'est public. C'est grave. Cette situation est même devenue structurelle. Nous avons brisé l'Alliance du Christ avec elle qu'il voulait comme épouse unique, unie. Ce péché demeure.

- Le Christ a donné des commandements formels, aussi formels que l'ordre de ne pas séparer ce que Dieu a uni. St Matthieu les réunit dans le «sermon sur la montagne » : ne pas laisser libre cours à la colère, au mépris, à l'injure, au double langage, à la vengeance ou à la détestation de nos ennemis. Obligation de nous réconcilier avant d'aller offrir notre prière à Dieu (Mt. 6-7)- Ou sur «la vie entre disciples» (Mt.18) :  méthode à suivre lorsqu'un frère a péché, obligation de pardonner sans limite lorsque nous avons été offensés: le rapport à l'argent (Lc 16,13 et Mt 6,24) l'obligation de regarder le pauvre et de lui donner de quoi vivre (Lc 16,19-27 et Mat 25 sur le jugement dernier).

Sur tous ces points, nous pouvons pécher gravement, nous installer dans une situation de péché . Celle qui peut aller jusqu'à la rupture avec tel ou telle, avec Dieu même.

Mais nous avons perdu l'habitude d'y penser, du moins comme à une faute réellement grave, comme à une situation qui demeure et qui suppose une conversion radicale, un changement complet de comportement, jusqu'à obtenir le pardon du Seigneur.

 

Communier avec plus de discernement ?

 

J'en ai l'intime conviction: si nous prenons conscience des situations qui nous mettent gravement en état de rupture avec les autres et avec Dieu.

 

1° nous ne céderons pas à l'automatisme de la «communion».

En l'espace de 50 à 60 ans, nous sommes passés de la «communion plutôt exceptionnelle à la communion automatique.

Examinons donc notre conscience avant de communier. Et ayons le courage de ne pas communier lorsque nous avons conscience :

-          d'être en état de grave rupture avec Dieu ou avec tel de nos frères et soeurs, telle catégorie de personnes que nous rejetons systématiquement,

-          de «ne pas discerner» le corps et le sang du Christ dans la communion,

-          ou de vivre très loin de Dieu , en grande indifférence ou en grave contestation à son égard.

 

2° nous gagnerons en respect et compréhension envers ceux qui choisissent de ne pas communier, précisément par fidélité à un commandement du Seigneur.

Par le fait, les divorcés-remariés ne seront plus les seuls à participer à l'Eucharistie sans y «communier» . Ils ne seront plus les seuls à se reconnaître pécheurs.

Chacun de nous redeviendra plus attentif à l'ordre du Christ: se réconcilier d'abord si l'on veut loyalement participer à l'offrande eucharistique .

 

3° nous éviterons des écueils contraires:

- considérer le fait de communier comme une «récompense», un «droit mérité» par notre qualité de vie chrétienne. Ceci a conduit à la communion tardive ( l'enfant n' étant pas considéré comme assez digne de communier) ou à la communion exceptionnelle.

- considérer le fait de communier comme un acte à l'efficacité absolue, presque calculable , nous sanctifiant automatiquement même si nous ne changeons rien clans notre manière de vivre.

 «Prenez, et mangez-en tous:

«Ceci est mon Corps, livré pour vous', «Prenez, et buvez-en tous, .

«car ceci est la coupe de mon Sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés".

- «Mangez-en tous.., Buvez-en tous»

Jésus dit cela à ses apôtres: des hommes qui le suivent, certes, mais qui sont tous sur le point de l'abandonner ou de le renier. Des hommes qui viennent de se quereller pour savoir lequel est le plus grand. De amis et pauvres pécheurs.

- «Sang versé.. en rémission des péchés»

Jésus donne sa vie - pour que nos ruptures soient anéanties par des réconciliations L'eucharistie rend présente cette force de l' Amour du Christ qui pardonne tout sur sa croix, libérant ses disciples de leurs refus de réconciliation.

En communiant au Christ «réconciliateur», nous recevons de Lui la rémission de nos péchés, et la force de nous ouvrir à toutes les réconciliations, A tous ses disciples Jésus offre cette puissance de réconciliation.

- «Alliance nouvelle et éternelle»

Ceux qui mangent et boivent à ce repas d' Alliance manifestent qu'ils communient à l' Alliance. Ils en reçoivent une imprégnation, une avancée dans la communion par Amour. Ceux qui mangent et boivent à cette Alliance sans y discerner aucune présence du Christ, aucune exigence pour vivre selon cette Alliance, «mangent et boivent leur condamnation» dit St Paul aux chrétiens de Corinthe . (1 Cor 11, 28) «Lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a parmi vous des divisions ..,Quand vous vous réunissez en commun ce n'est pas le repas du Seigneur que vous prenez.... Que chacun s'éprouve soi-même avant de manger ce pain et de boire à cette coupe.» (1 Cor 11)

En conclusion : nous sommes tous pécheurs. Chacun peut traverser des heures ou des moments de rupture avec le Seigneur. Seul peut comprendre cette situation douloureuse celui qui regarde vers le Christ, offrant sa vie pour que nous retrouvions la communion avec lui, ( Lire 1 Tm. 1, 15-16: expérience de Paul et Jacques 2, 1-14)

Reconnaissons-nous pécheurs, et pardonnés et réconciliés par l'amour courageux du Christ.

Il fut courageux et dans sa passion, et auparavant dans ses prises de position sur les questions difficiles: l'esclavage de l'argent, l'orgueil, la recherche du pouvoir, le besoin de se venger, la trop grande facilité à répudier celle ou celui avec lequel on s' était lié d'amour devant Dieu, les multiples divisions et ruptures,..

Il a toujours gardé relation avec ceux et celles qui, sur ces points, se montraient faibles et pécheurs, à commencer par ses disciples.

Il toujours pardonné aux personnes qui manifestaient un désir de changer intérieurement: parmi celles-ci nous trouvons la femme adultère, la Samaritaine,

 

Ayant constamment sous les yeux un tel engagement du Christ au bénéfice de nos réconciliations, suivons et imitons ce Maître de Vie. Méditons sa miséricorde pour le pécheur et la perfection radicale qu'il propose pour notre bien.

Nous découvrirons alors la manière originale et fidèle d'être ses disciples, d'accueillir, de discerner, de prier pour ceux qui vivent des difficultés devenues sans retour possible sur le passé.

 

Témoins de l'Alliance

Dans la Bible Dieu est présenté comme l'époux toujours fidèle. Le Peuple, quant à lui, traverse souvent des heures d'infidélité, Mais Dieu ne lui retire jamais son amour Il lui parle au coeur jusqu'à ce que renaisse la pleine fidélité de l'amour.

L'Eglise, à son tour, est considérée comme l'épouse du Christ, Purifiée, sauvée, elle devient l'épouse fidèle, à partir du moment où «elle descend du ciel, d'auprès de Dieu», nous dit l'Apocalypse, Sa fidélité est l'oeuvre de la grâce, Chaque chrétien, par son comportement, témoigne de la fidélité ou de l'infidélité du peuple de Dieu.

Certains manifestent radicalement la fidélité de l'Eglise envers le Christ. Avant connu un échec de leur vie conjugale, accepté séparation ou divorce, ils ne se remarient pas.

 

Dans la société comme dans l'Eglise ces témoins de la fidélité à l'Alliance scellée devant Dieu sont d'une haute utilité. Nos communautés doivent les encourager, prier pour eux, leur confier des missions pour soutenir ceux qui hésitent à vivre dans l'alliance conjugale un jour décidée librement, loyalement et par amour Tous, nous sommes invités à laisser l'Esprit du Christ nous rendre fidèles à l'amour qui vient de Dieu. Cet Amour fidèle, plus fort que la mort, nous sauve et construit une civilisation de l'amour.

+ Jean-Charles THOMAS

Évêque de Versailles pour les Yvelines.

Octobre1997