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Ce n’est plus comme avant

Testament de Jean XIII

 

"Vatican II : ce que l'Evangile a de meilleur"

Xavier Plassat - publié le 27/09/2012

À l'occasion des 50 ans de Vatican II, lavie.fr revisite la modernité du concile et la façon dont il résonne aujourd'hui dans notre société plurielle et mondialisée. Dominicain français installé depuis 1989 au Brésil, Xavier Plassat, 63 ans, est coordinateur de la campagne nationale de la Commission pastorale de la Terre (CPT) contre le travail esclave. Dans ce billet, Il nous livre son témoignage sur le concile Vatican II, 50 après son instauration.

« Le Concile Vatican II coïncide avec les premières années de ma conscience de chrétien et de militant au sein de la Jeunesse Etudiante Chrétienne (JEC). Ce moment m’a enthousiasmé car j’ai eu le sentiment que l’on passait d’un monde à l’autre. On laissait de côté un ensemble de traditions et de choses parfois bizarres, qui nous donnaient souvent le sentiment d’être à part dans la société, pour réaliser une grande opération vérité. L’Eglise était enfin dans le Monde. Elle était préoccupée par le salut du Monde, par la libération du Monde et aussi son bonheur. Désormais, les préoccupations des gens simples devaient entrer dans l’Eglise. Et pour cela, l’Eglise devait être à l’écoute et disponible, en abaissant ses barrières.

La JEC était une forme de communauté de base, où les pratiques de célébration, de réflexion, de révision de vie et de décisions d’actions étaient en lien étroit avec ce qui était proclamé dans le Concile. Justement, au même moment, en provenance d’Amérique latine, des échos me parvenaient sur ce que l’on commençait à appeler les « communautés de base. » C’était comme une anticipation de ce grand courant d’air et je me suis dit que dans le monde entier on avait besoin d’une Eglise qui cesse d’être sectaire, sûre d'elle et de détenir l’unique vérité. Le Concile prônait au contraire une Eglise œcuménique, démocratique, qui fonctionne sur la base d’une communauté de communautés, de collégialité. Il proclamait aussi la reconnaissance des Eglises locales, et assurait que le Royaume de Dieu était à construire, là maintenant.

Avec Vatican II, nous avons eu une conscience plus claire que la vérité était complexe, construite, que chaque homme, religion et culture avait son mot à dire. Le retour à la Bible, la promotion de la collégialité, la participation de tous, ordonnés ou laïques, à la vie de l’Eglise, a été quelque chose de tellement moderne que cela a été insupportable pour certains. Pendant les 50 années suivantes, il a fallu lutter pour éviter de revenir à ce qui était avant !

Dans ma vie spirituelle, ce grand souffle d’air frais, de vérité et de cohérence est essentiel, car il constitue la base de ce que l’Evangile a de meilleur : se préoccuper du bonheur des gens ici et maintenant et non dans un autre monde éthéré. Car c’est ici que nous avons à annoncer la bonne nouvelle et construire le Royaume de Dieu. C’est cela qui me fait vivre et avancer. Le Concile m’aide aussi dans ma vie quotidienne et ma mission. Quand on se retrouve confronté à des questions radicales d’humanité - vivre ou mourir, être homme ou marchandise - on est face au B-A-BA de la vérité évangélique. On ne s’encombre pas de savoir s’il faut dire la messe en latin ou avec une chasuble ! On est obligé de considérer la réalité crue et d’y semer la graine du message évangélique.

Vatican II nous invite chaque jour à témoigner de notre décalage de vision par rapport à ce monde consumériste, très individualiste et très narcissique. Cette dimension du Concile qui s’ouvre à l’autre dans sa différence et dans sa richesse, est une invitation constante à dire que notre monde n’est pas uniquement défini par nos cartes de crédit. Il est bien plus que cela. Le Concile me permet d’être présent à ce monde. Il ne s’agit pas d’un décalage rétro, mais d’un décalage qui va plus haut et plus loin. »

Propos recueillis par Jean-Claude Gerez

La Vie le 02 Oct 2012