SEL et LUMIERE

Jean-Marie Petitclerc

 

« VOUS ÊTES LE SEL DE LA TERRE. [ ... ] Vous êtes la lu­mière du monde» (Mt 5,13-16). Tel est le discours que tient Jésus à ses disciples. Mais ces deux affirmations peuvent paraître contradictoires. Car rien n'est plus en­foui que le sel et rien n'est plus exposé que la lumière. Alors, comment être là la fois sel et lumière?

 

Ce que le sel et la lumière ont en commun, c'est de révé­ler l'autre. Le sel n'est pas fait pour donner son propre goût à l'aliment, mais pour relever celui des ingrédients qui le composent. De même, la lumière permet de nous différencier. Dans une pièce obscure, toutes les personnes sont « noires ». Mais lorsque la lumière arrive, voici que l'un apparaît en vert et l'autre en rouge. La lumière est ce qui permet de faire ressortir les caractéristiques de chacun. Être disciple du Christ, c'est d'abord apprendre à révéler les qualités de l'autre.

 

En cette période de rentrée, où bon nombre de chrétiens vont réinvestir leur tâche éducative, il fait bon rappeler qu'il s'agit d'être « sel» et « lumière» au­près des jeunes. Être lumière, pour l'éducateur, ce n'est pas attirer les jeunes à soi. On serait alors plus dans le registre de la séduction que dans celui de l'édu­cation. Si l'on érige un phare sur une côte, ce n'est pas pour que les bateaux se précipitent vers lui. Ils risqueraient le naufrage. Non, le phare est là pour que, en se repérant grâce à lui, chaque navire puisse tracer sa propre route.

 

Telle est sans doute la meilleure définition de l'éducateur chrétien: être lumière pour révéler les talents de chaque jeune confié, être sel pour les cultiver.

 

C'est de ce profil d'éducateur que les jeunes ont le plus grand besoin. Trente années d'accompagnement de jeunes aux comportements marqués par la vio­lence m'ont fait découvrir que l'on pouvait toujours effectuer une corrélation entre le niveau de violence d'un jeune et sa mauvaise image de lui-même. Lorsqu'on arrive à penser qu'on est obligé d'écraser l'autre pour se prouver que l'on existe, c'est toujours qu'on est un peu en difficulté pour se faire recon­naître par ses propres talents et compétences. N'oublions pas que la grande majorité des faits de violence commis à l'école est le fait d'élèves qui ne réus­sissent pas à l'école! La meilleure prévention de la violence passe par la recon­naissance des talents de chacun.

 

Puissions-nous, parents, éducateurs, enseignants, nous rappeler, au début de cette nouvelle année scolaire, que notre mission consiste à être « sel» et « lu­mière » auprès des enfants et des adolescents que nous accompagnons.

 

PANORAMA  septembre 2011