L'Evangile est unique pour tous. Mais il existe une lecture salésienne
de l'Evangile. St Jean Bosco a tourné son regard vers le Christ de l'Evangile
et cherché délibérément à lui ressembler sous la poussée de l'Esprit.
Au cœur de la révélation évangélique.
A la différence d'autres
spiritualités, qui ont mis l'accent sur un aspect particulier de la vie du
Christ (comme la pauvreté, l'enseignement, l'obéissance ou le soin des
malades), Don Bosco, à la suite de St François de Sales et d'autres maîtres
spirituels, est allé droit au cœur de la révélation évangélique de l'amour de
Dieu (agapè, charité) incarné en Jésus-Christ.
Dans le premier article des
Constitutions de 1858, il écrivait: "Le but de cette Société est de rassembler
ses membres.. . en vue de se perfectionner eux-mêmes en imitant les vertus de
notre divin Sauveur, spécialement dans la charité envers les jeunes
pauvres". Selon l'article 10 de nos Constitutions, la charité pastorale
est le centre et la synthèse de l'esprit salésien. L'article 11 redit cela sous
une autre forme : "L'esprit salésien a son modèle et sa source dans le
cœur même du Christ, Apôtre du Père"..
Les 5 traits (merveilles) de la figure du Christ à
faire passer dans notre vie.
Partant de là, l'art. 11 (faisant
sienne la réflexion du Chapitre spécial de 1971) a cru pouvoir déceler dans la
lecture salésienne de l'Evangile cinq attitudes de Jésus qui inspirent Don
Bosco et les Salésiens:
1) son attitude filiale envers le
Père = source d'amour.
2) sa prédilection pour les petits
et les pauvres = destinataires de l'amour.
3) son ardeur apostolique =
instrument de l'amour.
4) son attitude du Bon Pasteur =
méthode de l'amour.
5) son désir de rassembler dans
l'unité = fruit de l'amour.
L'attitude filiale envers le Père.
Don Bosco a été défini "l'union à Dieu". C'est le
Christ de l'Evangile qui lui a enseigné l'union et l'intimité du Fils avec le
Père, dans les longs moments de la prière, comme dans les actions de tous les
jours liés â sa mission d'Envoyé. Le Père est en effet la source de l'amour.
Le salésien cherche à imiter l'attitude filiale du Christ qui fait la volonté du Père et s'abandonne à sa Providence. Il assimile son amour universel pour les enfants de Dieu dispersés. Il s'émerveille de la vocation de tous, décidée par le Père "dès avant la création du monde" (Eph.l,5). De toute sa vie, il veut faire une "eucharistie". De plus, le salésien se sait appelé à révéler le Père aux jeunes en vivant la paternité à la manière de Don Bosco et en leur apprenant leur dignité de fils de Dieu, source de confiance et de joie. Le monde actuel a un urgent besoin de découvrir ce vrai visage de Dieu et cette vocation filiale de tout homme.
Les premiers destinataires de la
mission du Christ sont les petits et les pauvres, et d'une façon plus générale,
tous ceux qui acceptent de devenir tels. "Heureux les pauvres de
cœur" (Mt 5,21). "Laissez venir à moi les petits enfants, car c'est à
leurs pareils qu'appartient le royaume de Dieu" (Mc 10,14)."Je te
bénis, Père, parce que tu as caché cela aux sages et aux savants... " (Lc
10,21).
Don Bosco et les Salésiens se
laissent guider par ces choix évangéliques qui ne sont pas arbitraires, parce
qu'ils découlent de l'amour authentique. "Traitons les jeunes comme nous
traiterions Jésus-Christ lui-même si, enfant, il habitait notre collège"
disait Don Bosco (MB XIV,846).
L'ardeur apostolique.
L'ardeur apostolique du Christ est
un zèle dévorant qui le pousse "à prêcher, à guérir et à sauver devant
l'urgence du Royaume qui vient". Il parcourait toute la Galilée,
enseignant et guérissant (Mt 4,23). "La moisson est immense, mais les
ouvriers peu nombreux...Allez..." (Mt 9,36-37). Il se consuma à cette
tâche jusqu' au don total de lui-même sur la croix. La vie de Don Bosco
témoigne de ce dynamisme apostolique et missionnaire puisé au cœur du Christ et
que la présence des jeunes a rendu en quelque sorte juvénile. L'apostolat est
l'instrument de l'amour de Dieu qui sauve. Plus l'amour est grand, plus
l'apostolat est ardent. Il y a urgence, car le royaume est proche.
La méthode du Bon Pasteur .
L'image biblique et
évangélique du Bon Pasteur a accompagné toute la vie et la mission de St Jean
Bosco, et ce, depuis le rêve des neuf ans. Lui-même s'est senti appelé â
refaire les gestes du Bon Pasteur et il les a enseigné à ses fils et
collaborateurs, en leur inculquant l'amorevolezza et la familiarité, en leur
demandant "charité, douceur, bonnes manières, grand calme, extraordinaire
mansuétude" (MO 141; Règlement des Oratoires de 1877).
La méthode du Bon Pasteur est
exigeante: elle demande le renoncement à soi et le don de sa vie. "Le Bon
Pasteur donne sa vie pour ses brebis" (Jn 10,11). Elle s'oppose aux
mauvais bergers qui trahissent leurs responsabilités (Jn 10,34). Don Bosco
croyait en son efficacité conquérante: quand on a gagné le cœur, on a tout.
"Celui qui est aime obtient tout, spécialement des jeunes" (MB
XVII,lll). La charité est patiente dit St Paul, non seulement elle "endure
tout" (ascèse), mais en plus elle "espère tout" (confiance en
son efficacité). Au sortir d'une rencontre avec Don Bosco, un témoin disait:
"je pensais : Don Bosco est le portrait vivant du Nazaréen, doux, bon,
humble, modeste. Oui, c'est ainsi que devait être Jésus". (MB XIV,479). .
Le
désir de rassembler dans l'unité.
La charité n'est pas seulement
source et méthode, elle constitue aussi l'objectif à atteindre, le résultat le
plus parfait de l'effort apostolique et la forme même du salut réalisé: le
"paradis". Ceux que le Père attire â lui, Jésus veut les rassembler
dans l'unité, qu'il s'agisse de ses apôtres, de ses disciples, de Jérusalem ou
d'Israël comme peuple, ou de toute humanité sauvée par son sacrifice. Après le
don de l'Esprit â la Pentecôte, les premiers chrétiens ne font plus qu'un corps
et qu'une âme (Act.4,32).
Cette figure idyllique de la
première communauté chrétienne ne cessera d'inspirer les témoins soucieux de la
communion de toute l'Eglise. Don Bosco s'y référait souvent, en pensant à la Société
salésienne, mais aussi à l'Eglise universelle, guidée par le pape et les
évêques.. L’unité et la communion sont des fruits de l'amour. Plus l'amour est
fort, plus l'unité est solide et inviolable. Pour y parvenir, Don Bosco
recommandait la simplicité , la familiarité , le pardon réciproque, le service
mutuel et la joie.
Une expression concentrée de tout
cela : Da mihi animas. . ( 1 )
Au moment de choisir la devise de
la Congrégation, les esprits étaient partagés. L'un disait "Travail et
tempérance". Un autre proposait : "Maria auxilium christianorum"
. Don Bosco coupa court en choisissant "Da mihi animas, caetera
tolle". Le Da mihi animas peut être compris comme le cri de Jésus,
uniquement soucieux de la gloire du Père, passionnément dévoué au salut des
hommes, dans l'attitude du Bon Pasteur qui veut rassembler dans l'unité de son
Corps.
L'Etrenne (2) pour 1996, voulue
par Don Vigano (3) avant de quitter ce monde, dit ceci: "Le Da mihi animas
est le don de soi qui vivifie toute l'existence, aussi bien l'activité que la
souffrance" . L'âme exprime la dimension spirituelle de l'homme, le centre
de sa liberté, la racine de sa dignité et le lieu privilégié de son ouverture à
Dieu, où l'Esprit se fait entendre et accorde ses faveurs. Don Bosco n'avait
rien d'autre à cœur que les âmes. Pour leur salut, il fait le don de sa vie, à
la suite du Christ de l'Evangile, tant sous la forme de l'action que sous la
forme de la "passion" . Aujourd'hui, il nous invite à notre tour au
don de soi. Notre vie deviendra alors vivante de la vie même du Christ bon
Pasteur , qui donne sa vie pour ses brebis .
Morand Wirth Salésien
Don Bosco - Université salésienne de Rome
1) En référence à Gn 14,21
"Da mihi animas, caetera tolle tibi". Donne-moi les personnes et
reprends tes biens. (Traduction oecuménique).
2) Voeux annuels.
3) Supérieur général des
Salésiens, décédé le 23 juin 1995.