Message pour la Journée mondiale de la paix : 2019

le Pape interpelle les politiques

 

Le Message du Pape pour la Journée mondiale de la Paix, qui sera célébrée le 1er janvier 2019, a été rendu public ce mardi 19 décembre. Dans ce texte intitulé “La bonne politique est au service de la paix”, le Pape interpelle les responsables politiques quant à leur mission au service de la Maison commune.

Cyprien Viet Cité du Vatican

Dans lÉvangile de Luc, Jésus dit à ses disciples: «Dans toute maison où vous entrerez, dites dabord: ‘‘Paix à cette maison’’. Sil y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui; sinon, elle reviendra vers vous». Cest avec cette accroche que le Pape développe sa réflexion pour cette Journée mondiale de la Paix qui ouvre lannée nouvelle. François suit une tradition instituée par saint Paul VI en 1968, qui avait voulu faire coïncider cette Journée mondiale de la Paix avec la Fête de Sainte-Marie Mère de Dieu, le 1er janvier.

«La ‘‘maison’’ dont parle Jésus, cest chaque famille, chaque communauté, chaque pays, chaque continent, dans sa particularité et dans son histoire; cest avant tout chaque personne, sans distinctions ni discriminations, explique le Pape dans ce Message. Cest aussi notre ‘‘maison commune’’: la planète où Dieu nous a mis pour y vivre et dont nous sommes appelés à prendre soin avec sollicitude. est donc également mon vœu au début de lannée nouvelle: ‘‘Paix à cette maison!’’».

La paix est une fleur fragile

François développe ensuite une réflexion tournée vers les décideurs politiques, en rappelant que «la paix est comme lespérance dont parle le poète Charles Péguy» dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu.  

«Elle est comme une fleur fragile qui cherche à sépanouir au milieu des pierres de la violence».Le Pape rappelle avec réalisme lécueil fréquemment atteint par les responsables politiques:  «la recherche du pouvoir à tout prix porte à des abus et à des injustices. La politique est un moyen fondamental pour promouvoir la citoyenneté et les projets de lhomme, mais quand elle nest pas vécue comme un service à la collectivité humaine par ceux qui lexercent, elle peut devenir un instrument doppression, de marginalisation, voire de destruction».

Mais au contraire, «accomplie dans le respect fondamental de la vie, de la liberté et de la dignité des personnes, la politique peut devenir vraiment une forme éminente de charité»,précise François en reprenant une réflexion développée par son prédécesseur Benoît XVI dans son encyclique de 2009, Caritas in Veritate«Tout chrétien est appelé à vivre cette charité, selon sa vocation et selon ses possibilités dinfluence au service de la pólis. [] Lengagement pour le bien commun, quand la charité lanime, a une valeur supérieure à celle de lengagement purement séculier et politique [] Quand elle est inspirée et animée par la charité, laction de lhomme contribue à lédification de cette cité de Dieu universelle vers laquelle avance lhistoire de la famille humaine.»

Un programme qui ne dépend pas de lappartenance religieuse

Pour François, il sagit ici dun «programme dans lequel peuvent se retrouver tous les politiciens, de nimporte quelle appartenance culturelle ou religieuse, qui souhaitent œuvrer ensemble pour le bien de la famille humaine, en pratiquant ces vertus humaines qui sous-tendent le bon agir politique: la justice, léquité, le respect réciproque, la sincérité, lhonnêteté, la fidélité».

Le Pape reprend aussi les ‘‘béatitudes du politique’’, proposées par le cardinal vietnamien François-Xavier Nguyen Van Thuan, décédé en 2002 et dont le procès en béatification est en cours:

«Heureux le politicien qui a une haute idée et une profonde conscience de son rôle.

Heureux le politicien dont la personne reflète la crédibilité.

Heureux le politicien qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt.

Heureux le politicien qui reste fidèlement cohérent.

Heureux le politicien qui réalise lunité.

Heureux le politicien qui sengage dans la réalisation dun changement radical.

Heureux le politicien qui sait écouter.

Heureux le politicien qui na pas peur.»

Dans cette optique, «chaque renouvellement des fonctions électives, chaque échéance électorale, chaque étape de la vie publique constitue une occasion pour retourner à la source et aux repères qui inspirent la justice et le droit», et donc pour développer une politique qui soit au service de la paix, explique François.

Les vices de laction politique

Malheureusement, de nombreux vices portent atteinte à cet objectif qui devrait pourtant être évident en universel: «la corruption sous ses multiples formes dappropriation indue des biens publics ou dinstrumentalisation des personnes , la négation du droit, le non-respect des règles communautaires, lenrichissement illégal, la justification du pouvoir par la force ou par le prétexte arbitraire de la ‘‘raison dÉtat’’, la tendance à saccrocher au pouvoir, la xénophobie et le racisme, le refus de prendre soin de la Terre, lexploitation illimitée des ressources naturelles en raison du profit immédiat, le mépris de ceux qui ont été contraints à lexil», avertit le Pape.

Plutôt que de chercher à satisfaire les intérêts de certaines catégories, les politiques doivent donc chercher à servir le bien commun, notamment en tendant la main aux jeunes afin de construire les bases de lavenir. «La vie politique authentique, qui se fonde sur le droit et sur un dialogue loyal entre les personnes, se renouvelle avec la conviction que chaque femme, chaque homme et chaque génération portent en eux une promesse qui peut libérer de nouvelles énergies relationnelles, intellectuelles, culturelles et spirituelles», insiste François, tout en reconnaissant que le contexte actuel est éloigné de cet objectif. «Nous vivons ces temps-ci dans un climat de méfiance qui senracine dans la peur de lautre ou de létranger, dans langoisse de perdre ses propres avantages, et qui se manifeste malheureusement aussi, au niveau politique, par des attitudes de fermeture ou des nationalismes qui remettent en cause cette fraternité dont notre monde globalisé a tant besoin», salarme le Pape, qui espère voir émerger plus dartisans de paix dans la société.

Refuser la guerre et la violence

«Cent ans après la fin de la Première guerre mondiale, alors que nous nous souvenons des jeunes tombés durant ces combats et des populations civiles lacérées, aujourdhui plus quhier nous connaissons la terrible leçon des guerres fratricides, à savoir que la paix ne peut jamais être réduite au seul équilibre des forces et de la peur. Maintenir lautre sous la menace veut dire le réduire à létat dobjet et en nier la dignité», avertit le Pape, qui dénonce une nouvelle fois la course aux armements et les discours agressifs sur les migrants: «lescalade en termes dintimidation et la prolifération incontrôlée des armes sont contraires à la morale ainsi quà la recherche dune vraie concorde. La terreur exercée sur les personnes les plus vulnérables contribue à lexil dentières populations en quête dune terre de paix. Les discours politiques qui tendent à accuser les migrants de tous les maux et à priver les pauvres de lespérance ne sont pas justifiables.»

Le Pape invite notamment à prêter une attention particulière à la situation des enfants: «Dans le monde, un enfant sur six est touché par la violence de la guerre ou par ses conséquences, quand il nest pas enrôlé pour devenir lui-même soldat ou otage de groupes armés. Le témoignage de ceux qui œuvrent pour défendre la dignité et le respect des enfants nen est que plus précieux pour lavenir de lhumanité».

Relier la paix intérieure et l'action politique

Revenant sur le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de lHomme, François rappelle que la paix «est le fruit dun grand projet politique qui se fonde sur la responsabilité réciproque et sur linterdépendance des êtres humains. Mais elle est aussi un défi qui demande à être accueilli jour après jour. La paix est une conversion du cœur et de lâme», explique le Pape, en invitant à relier «trois dimensions indissociables de cette paix intérieure et communautaire»:

-  La paix avec soi-même, en refusant lintransigeance, la colère et limpatience et, comme le conseillait saint François de Sales, en exerçant ‘‘un peu de douceur avec soi-même’’, afin doffrir ‘‘un peu de douceur aux autres’’;

-  La paix avec lautre: le proche, lami, létranger, le pauvre, le souffrant; en osant la rencontre et en écoutant le message quelle porte avec elle;

-  La paix avec la création, en redécouvrant la grandeur du don de Dieu, et la part de responsabilité qui revient à chacun dentre nous, en tant quhabitant du monde, citoyen et acteur de lavenir