ENTRETIEN
Mgr Rino Fisichella
Président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle
évangélisation 
La Croix : Votre dicastère (1) occupera-t-il une
place centrale dans le gouvernement du pape ?
Mgr
Rino Fisichella : Dans le futur, sans doute ! Mais nous n’existons que depuis deux mois.
Notre responsabilité est appelée à être toujours plus grande. Simplement
parce que l’évangélisation, en elle-même, est au cœur de l’Église. Nous
devons trouver de nouvelles formes pour annoncer l’Évangile dans le monde
d’aujourd’hui, en cohérence avec l’homme d’aujourd’hui.
Le motu proprio définissant vos fonctions
insiste sur la promotion du Catéchisme de l’Église catholique.
S’agit-il de votre objectif essentiel ?
Non. Nos attributions sont plus larges.
Notre objectif essentiel sera de collaborer avec les conférences épiscopales.
Elles sont, dans chaque pays, le signe de la présence de l’Église. Les
évêques y travaillent ensemble pour annoncer l’Évangile, de façon adaptée à
leur peuple.

La création de ce nouveau dicastère ne signifie pas que la nouvelle évangélisation
débute aujourd’hui. Nous voulons, avec les conférences épiscopales,
comprendre ce qui se fait depuis longtemps.

Des laïcs, des communautés, des évêques ont pris de nombreuses initiatives.
Notre rôle consistera à soutenir les conférences épiscopales dans leur
activité, en favorisant notamment les échanges d’expériences avec d’autres
pays, d’autres Églises.
Nous devrons également mobiliser tous les moyens de communication pour rendre
efficace cette nouvelle évangélisation. Et puis je crois beaucoup au rôle des
laïcs et de leurs organisations. Notamment au sein des divers milieux :
médias, éducation, santé, etc. Là où on travaille chaque jour, donner un
témoignage de vie est essentiel.
Votre champ d’action sera-t-il limité aux pays d’ancienne
chrétienté, aujourd’hui sécularisés ?
Notre compétence s’étend à toute
l’Église, selon certains critères. Les pays d’ancienne tradition chrétienne
sont marqués par le sécularisme et le relativisme. La sécularisation, elle,
est née comme une avancée positive. À l’époque, il s’agissait de donner à
l’homme, et au chrétien, la capacité d’être présent dans le monde, avec son
aptitude à le transformer.
Mais c’est le sécularisme qui, lui, nous préoccupe. Car il signifie tomber
dans le relativisme, une crise de la recherche de la vérité, qui conduit à «
l’éclipse de Dieu ». Être présent dans le monde sans faire référence à Dieu :
là est pour nous la limite.
Votre regard sur la modernité n’est-il pas pessimiste ?
Tout au contraire ! Nous devons porter
un regard positif sur ses conquêtes, dont nous profitons pleinement. Le
problème est l’usage qu’on en fait.
Par exemple, si la recherche scientifique réussit à guérir des maladies
génétiques, elle sera toujours soutenue en ce sens par l’Église. Mais si la
génétique aboutit à une forme d’eugénisme, de sélection de l’humanité,
l’Église ne peut pas l’accepter. La science n’est jamais neutre. Elle est
toujours déterminée par des finalités, ou des intérêts.
Benoît XVI a expliqué que les Églises de nos pays pouvaient
être considérées comme des « minorités créatives », en dialogue avec les
cultures, actives en matière d’éducation et de solidarité. Qu’en pensez-vous
?
Il faut distinguer selon les pays. Si
l’on s’en tient aux chiffres de pratique religieuse, il faut naturellement
prendre conscience de ce statut minoritaire et ne pas rester passif, donc
être créatif, notamment dans les trois domaines évoqués par le pape.
Mais il faut s’intéresser au « terreau religieux » qui influence la capacité
de penser, les jugements en conscience de chacun. De ce point de vue, en
Europe, dans les pays d’ancienne tradition chrétienne, on ne peut pas
vraiment parler de « minorité » catholique. Ce « sens religieux » catholique,
sinon chrétien est toujours assez fortement présent.
Nous vivons une véritable révolution anthropologique.
Allez-vous engager une réflexion de fond sur ces questions ?
Naturellement. Il faut construire un
nouvel humanisme, en référence à l’humanisme européen des XVe et XVIe
siècles, lorsqu’il s’agissait, avec enthousiasme, de mettre l’homme au centre
du monde. Toutes les disciplines ont été concernées, pour répondre à la
question du sens de la vie humaine. Mais Dieu n’en était pas exclu.
Aujourd’hui, ces réflexions se mènent sans référence à Dieu. Or, on ne peut
pas construire une nouvelle anthropologie sans référence à la transcendance,
car partout on voit que l’homme manifeste un désir toujours plus profond
d’une expérience religieuse ou spirituelle.

Recueilli par Frédéric MOUNIER, à Rome
La
Croix 14/12/2010

(1) L’équivalent d’un ministère dans le gouvernement central de l’Église.
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