Homélie Fête de saint Jean Bosco
En ce jour de la fête de saint Jean
Bosco, il nous plaît de réentendre l'invitation de St Paul à nous réjouir
sans cesse dans le Seigneur. L'Apôtre des nations invite les Philippiens à
porter en quelque sorte (anachronisme) un regard salésien sur le
monde: « Que votre sérénité soit connue de tous (..), ne soyez inquiets de
rien, mais en toute circonstance, priez dans l'action de grâce ... ». C'est
un regard positif sur la vie, les situations et les personnes, un regard
auquel nous sommes, nous aussi, invités. Il est bon que l'on nous voie, que
l'on nous reconnaisse pour ce que nous sommes: des chrétiens heureux, joyeux.
Même les plus âgés peuvent avoir "une figure de jeune homme". Cela
se voit, cela se communique, cela se nourrit par la confiance, par la
bienveillance, par l'amour même qui peuvent transparaître dans nos gestes,
dans nos paroles, dans nos rencontres. C'est la richesse de l'héritage
spirituel que nous recevons de Don Bosco. Le fondateur de notre famille
religieuse ne se contente pas de contempler le "ciel" de ses jeunes
élèves. Il vit au milieu d'eux et il sait qu'ils ne supportent pas uniquement
des pensées sérieuses; en outre, il a l'occasion de percevoir ceux qui
souffrent de la "pauvreté", de l' ''abandon'' et quelles sont leurs
requêtes, exprimées avec plus ou moins de clarté. Sa pédagogie
"s'humanise" nécessairement dans les contenus et les méthodes. Le
"salut éternel" est ainsi recherché à travers les formes
indispensables du salut terrestre (nourriture, vêtement, logement, travail,
profession, socialisation) et un style adapté sur mesure à la sensibilité des
jeunes (sécurité, affectivité, sérénité, vie en famille, joie). Voilà donc pour la joie, qui trouve
tout naturellement sa place dans notre célébration. Quant au texte d'évangile
choisi pour ce jour, ce n'est pas l'habituel récit de la rencontre entre
Jésus et les enfants. C'est un autre texte proposé lui aussi pour la fête de
St Jean Bosco. La parabole de l'évangéliste Matthieu sur le sel de la terre
et la lumière du monde. La joie que Saint Paul nous invite
à cultiver n'est pas une joie naïve. Elle se fonde sur un projet de vie, sur
une vision du monde, sur des valeurs qui n'est pas forcément partagée par
tous. Dans un monde où il semble que tout
se vaut, être sel de la terre, c'est montrer que certains choix sont
constructifs et d'autres pas. Le sel, c'est le goût. Le goût de la vie, c'est
le sens que nous lui donnons. Or il y a des sens interdits, des voies sans
issue ... Nous ne voulons pas non plus emprunter les avenues du suivisme.
Alors, dans un monde en manque de repères, être lumière du monde, c'est oser
indiquer des chemins d'humanisation et de bonheur. Quand Jésus nous demande d'être sel
de la terre et lumière du monde, c'est aussi pour nous inviter à aller à
contre-courant; à oser dire qu'on peut fonder sa vie sur l'amour, et montrer
ainsi que la solidarité est importante, que chacun mérite d'être accueilli et
écouté, et qu'il y a une place pour lui, que le service de l'autre et le don
de soi peuvent éclairer une vie. Mais bien sûr, dans notre foi,
comme dans notre vie, rien n'est jamais acquis une fois pour toutes, et nous
ne vivons pas toujours selon les principes que nous proclamons. Il suffit de
regarder l'histoire et même l'actualité de la vie des hommes: que de conflits
inutiles, de haines et de souffrances injustifiés. Et nos communautés ont
aussi toujours besoin de conversion. C'est pourquoi Don Bosco est encore
prophète lorsqu'il invite ses successeurs à œuvrer encore et toujours à
l'accueil, au soutien, à l'accompagnement, à la promotion. Nous sommes
rarement à la hauteur de son audace quand nous concevons nos projets
pastoraux. Mais Don Bosco nous appelle à la passion pour la vie, il nous
invite à nous émerveiller de ce qui est positif dans toute vie, et bien sûr
dans celle des jeunes. Vous me permettrez deux citations: Umberto Eco (essayiste italien)
écrivait à propos de Don Bosco: "Ce génial réformateur entrevoit que la société
industrielle exige de nouveaux modes de socialisation et il invente alors une
machine parfaite (. .. ) gérée sur des bases minimes; il prescrit à ceux qui
la fréquentent un code moral et religieux, mais il accueille aussi ceux qui
ne le suivent pas. En ce sens, le projet de Don Bosco investit toute la
société de l'ère industrielle, à laquelle a manqué son "projet Don
Bosco" avec la même imagination, la même inventivité (...), le même sens
des temps". Par ailleurs, l'un des cofondateurs
du Parti communiste italien écrivait en 1920: "Don Bosco ! C'était
un grand homme, que vous devriez essayer de connaître. Dans le cadre de
l'Eglise ... Il sut créer un imposant mouvement d'éducation, en redonnant à
l'Eglise le contact avec les masses, qu'elle était en train de perdre. Pour
nous qui sommes en dehors de l'Eglise et de toute Eglise, il est un héros, le
héros de l'éducation préventive et de l'école-famille. Ses continuateurs
peuvent en être fiers 1" (G. Lombardo Radiee, Clericali e massoni
di tronte al problema della scuola, Rome, La Voce, 1920, pp. 62-64, 1
Appendice). Ces auteurs ont compris le cœur de
l'œuvre de Don Bosco, son sens véritable: un grand amour envers les jeunes,
se traduisant en un service en vue de leur formation humaine, spirituelle et professionnelle.
C'est un héritage à partager, à
faire toujours davantage fructifier dans notre société qui a tant besoin de
valeurs et de témoins. Jean-Noël Charmoille Vicaire provincial Paris 31 Janvier 2009 |