Traduit par Gérard Hocmard
par Francis J. Beckwith
France catholique
vendredi 4 février 2011
Lorsque j’étais protestant
évangélique et que je songeais à revenir vers l’Église catholique dans laquelle
j’avais été baptisé, la pratique catholique que je trouvais difficile à
accepter entre toutes était le sacrement de pénitence.
Je considérais que le Christ
suffisant à pardonner tous nos péchés passés, présents et à venir, ce sacrement
le dépouillait le Christ de sa prérogative. Car je croyais que cela
rétrécissait la portée du rachat si je devais faire quelque chose pour acquérir
le pardon, par exemple me confesser à un prêtre et/ou accomplir une pénitence
telle que dire une prière, faire une bonne action ou m’engager à une discipline
spirituelle après avoir reçu l’absolution. Mais de bonnes raisons m’ont
finalement amené à changer d’avis.
Premièrement, même les protestants
évangéliques ont le moyen de traiter le péché commis après le baptême :
cela s’appelle la redédication. En fonction de la gravité de sa faute, celui
qui a péché redédie sa vie au Christ en remontant de nouveau l’allée comme il
l’a fait la première fois lorsqu’il s’est converti. En fait, compte tenu de la
manière dont les protestants comprennent la justification et la sanctification
— à savoir que les bonnes actions et la bonne vie découlent du vrai salut — le
pécheur peut se demander si sa première confession était valable. Et donc, il
se confesse de nouveau. Il me paraît donc clair qu’être chrétien exige d’une
manière ou d’une autre que l’on traite le péché commis après le baptême.
Deuxièmement, le Nouveau Testament
parle souvent de ce péché-là. Dans le Notre Père, Jésus mentionne le besoin
continu de repentir dans la vie du croyant (Mt. 6 :12). St Jean écrit aux
chrétiens baptisés : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché,
nous nous égarons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous. Si nous confessons
nos péchés, fidèle et juste comme il est, il nous pardonnera nos péchés et nous
purifiera de toute iniquité » (I Jn. I :8-9). Qui plus est, St Paul
(I Co. 6 :9-10 ; Ga. 5 :19-21 ; Ep. 5 : 3-15 ;
Col. 3 :5-10), St Jean (I Jn. 5 : 16-17) et l’auteur de l’Épître aux
Hébreux (He. 13 : 4-5) mettent les croyants en garde contre des péchés qui
sont mortels, c’est-à-dire que si un chrétien les commet, il risque de perdre
ce que les catholiques appellent la « grâce sanctifiante ». De par sa
nature même, le christianisme exige un ministère de réconciliation. (2 Co.
5 :14-20).
Troisièmement, j’ai lu le
Catéchisme et il m’a rapidement ouvert les yeux sur mon ignorance en matière de
sacrements. « Faire pénitence, ai-je appris, n’est pas une action que
requiert l’Église afin de garantir le pardon. Car la mort du Christ est
"la rançon qui libère les hommes de l’esclavage du péché". Et lorsque
que quelqu’un se confesse et reçoit l’absolution dans le sacrement ses péchés
sont pardonnés par Dieu, « car Lui seul pardonne les péchés ».
« Mais », et ceci est la clé, « cela ne répare pas tous les
désordres que le péché a causés ».
Si je confesse par exemple à un
prêtre que j’ai volé $ 500 à mon voisin, je vais recevoir l’absolution. Mais
bien que je sois pardonné de ma faute, je dois au moins, en guise de pénitence,
rendre à mon voisin ce qui lui appartient. Tous les péchés (y compris le vol)
nuisent à notre santé spirituelle et parfois nous en dépouillent. Pour cette
raison, les actes de pénitence « nous aident à nous reconfigurer au
Christ, qui, lui seul, a expié nos péchés une fois pour toutes. Ils nous
permettent de devenir les co-héritiers du Christ ressuscité « pourvu que
nous souffrions avec lui » (Rm. 8 :17 ; Rm. 3 :25 ; I
Jn. 2 : 1-21). Et étant donné la manière dont l’Église conçoit la grâce
opérante et coopérante, même le mérite que nous acquérons par notre acte de
pénitence est l’œuvre de la grâce de Dieu.
Quatrièmement, le Nouveau
Testament parle du jeûne, de la prière et de la discipline spirituelle comme
des moyens par lesquels on peut s’armer et s’ouvrir à la sainteté au cours de
notre voyage de chrétiens sur terre (Mt. 6 : 1-8, 16-18 ; Ac
13 : 2-3 ; Ac 14 : 23 ; I Co. 9 : 25-27 ; 2 Co.
1 : 4-6 ; Col. 4 : 2 ; Ep. 6 : 18 ; Th. 4 :
4-8 ; I Tm. 4 : 7-8 ; 2 Tm. 1 : 17 ; Jc. 4 : 8-10 ;
I P. 4 : 7). En fait, l’auteur de l’Épître aux Hébreux parle de la réalité
de la discipline paternelle que Dieu nous impose à nous, ses fils, dans la
formation de notre âme (He. 12 : 5-13).
Cinquièmement, les Écritures nous
enseignent que l’Église est partie intégrante du ministère de la
réconciliation. Le Christ est venu sur terre pour laver nos péchés (Mt.
9 :6), et après sa résurrection, il a donné à ses disciples le même
pouvoir (Jn. 20 : 21-23). Dans Mt 18, dans le contexte de l’administration
de la discipline de l’Église, Jésus donne à ses disciples le pouvoir de lier et
de délier (Mt. 18 : 18). Jacques encourage les malades à venir rencontrer
les serviteurs du Christ afin que ceux-ci puissent « prier sur eux après
avoir fait une onction d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera
le patient ; le Seigneur le relèvera et s’il a des péchés à son actif, il
lui sera pardonné. Confessez-vous donc vos péchés les uns les autres et priez
les uns pour les autres, afin d’être guéris. La prière des justes agit est
puissante et efficace ». (5 : 14-15, les italiques sont de moi).
Compte tenu de son fondement
biblique, il n’est pas surprenant que ce sacrement se soit développé tôt dans
l’histoire du christianisme. D’après l’historien protestant J.N.D. Kelly, dès
le début du troisième siècle, les éléments ecclésiaux et théologiques sur
lesquels se fonde la confession privée actuelle — où le pénitent se confesse à
l’Église, laquelle a non seulement le pouvoir de l’absoudre de ses péchés, mais
aussi celui de lui imposer une pénitence — sont déjà en place. Et nombreux dans
les œuvres des Pères de l’Église sont les passages qui montrent clairement que
la pénitence faisait dès leur époque partie intégrante et indiscutée de
l’infrastructure sacramentelle de la vie chrétienne.
Le développement du sacrement de
pénitence n’est donc pas surprenant le moins du monde. Et le fait que les
catholiques de rite occidental et oriental aussi bien que les orthodoxes
l’aient pratiqué sans controverse jusqu’à l’époque de la Réforme a rendu
impossible à mes yeux de penser que la pénitence n’était pas une pratique
chrétienne légitime pleinement cohérente avec la théologie biblique.
Maintenant que je suis revenu au
sein de l’Église, j’aimerais que davantage de mes frères catholiques
comprennent le don immense que représente pour nous la Confession.
Francis J. Beckwith est Professeur
de Philosophie et d’Études ecclésiales à Baylor University. Il raconte
l’itinéraire qui l’a mené du catholicisme au protestantisme et retour dans son
livre : Retour à Rome : Confessions d’un
catholique évangélique. Il blogue sur Return to Rome.
http://www.patheos.com/community/returntorome/
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