La Croix 05 Dec
2018 Notre humanité vit en ce moment un tournant de son
histoire, par les progrès enregistrés en divers domaines. Il faut faire
l’éloge des acquis positifs qui contribuent au bien-être authentique de
l’humanité. Toutefois, la plupart des hommes et des femmes de
notre temps continuent de vivre dans une précarité quotidienne aux
conséquences funestes : la peur et la désespérance saisissent les cœurs de
nombreuses personnes même dans les pays dits riches ; la joie de vivre
s’amenuise ; l’indécence et la violence prennent de l’ampleur ; et la
pauvreté devient plus criante. Il faut lutter pour vivre, et pour vivre
souvent indignement. L’une des causes de la crise financière se trouve dans
le rapport que nous entretenons avec l’argent, et dans notre acceptation de son empire sur nos êtres
et nos sociétés. L’origine première de cette situation vient d’une
profonde crise anthropologique : la négation de la primauté de l’homme
! On s’est créé des idoles nouvelles au visage nouveau et impitoyable : le fétichisme de l’argent, et la dictature de
l’économie sans visage ni but vraiment humain. La crise mondiale réduit l’homme à une seule de ses
nécessités : la consommation. Et pire encore, l’être humain est considéré aujourd'hui
comme étant lui-même un bien de consommation qu’on peut utiliser, puis jeter. Cette dérive se situe au niveau de l’individu et de la
société. Et elle est promue ! La solidarité qui est le trésor du
pauvre, est souvent considérée comme contre-productive, comme contraire à la
rationalité financière et économique. Avec l’autonomie absolue des marchés et de la
spéculation financière, niant ainsi le droit de contrôle aux États chargés
pourtant de pourvoir au bien-commun, le revenu d’une minorité s’accroît de
manière exponentielle, et celui de la majorité s’affaiblit. Ses lois et ses règles installe alors une nouvelle
tyrannie invisible et virtuelle, qui s’impose unilatéralement, et sans
recours possible. En outre, l’endettement et le crédit éloignent les pays de
leur économie réelle, et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. A cela s’ajoute, si besoin en est, une corruption
tentaculaire et une évasion fiscale égoïste qui ont pris des dimensions
mondiales. La volonté de puissance et de possession est devenue
sans limite. Derrière cette attitude se cache le refus de
l’éthique, le refus de Dieu. Tout comme la solidarité, l’éthique dérange ! Elle est considérée comme contre-productive ; comme
trop humaine, car elle relativise l’argent et le pouvoir ; on la voit
comme une menace, car elle refuse la manipulation et l’assujettissement de la
personne. … L’éthique - une éthique non idéologique naturellement
– permet de créer un équilibre et un ordre social plus humains. En ce sens, j’encourage les maîtres financiers et les
gouvernants de vos pays, à considérer les paroles de saint Jean Chrysostome :
"Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les
voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous
détenons, mais les leurs". L’argent doit servir et non pas gouverner ! Le Pape aime tout le monde : les riches comme les
pauvres. Mais il a le devoir de rappeler au riche qu’il doit aider le pauvre,
le respecter, le promouvoir. Il appelle à la solidarité désintéressée et à un
retour de l’éthique pour l’humain dans la réalité financière et
économique. Le bien commun ne devrait pas être un simple ajout, un
simple schéma conceptuel de qualité inférieure inséré dans les programmes
politiques, mais créer une nouvelle mentalité politique et économique qui
contribuera à transformer l’absolue dichotomie entre les sphères économique
et sociale en une saine cohabitation. …
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